Une mosquée située à Gazhuang, un village de la province du Gansu (centre-nord), a été partiellement détruite le 9 avril. C’est la dernière atteinte en date des autorités chinoises aux musulmans dans le pays, lesquels sont l’objet d’une vaste campagne hostile de Pékin.
Construite il y a à peine un mois, la mosquée n’aura pas vécu longtemps. Sur la vidéo, on voit son dôme fracassé, et divers symboles islamiques mis à terre. Un camion-grue est stationné en contrebas, le bras de la grue surplombant la mosquée. La vidéo montre le minaret, entouré de ses échafaudages, encore intact. Les autorités ont ordonné aux habitants de ne pas publier de photos et de vidéos de la destruction, comme le rapportent notamment Bitter Winter et Deutsche Welle.
Mais un activiste a réussi à transmettre des vidéos de l’opération de destruction à Erkin Azat (pseudonyme). Cet activiste est originaire de la région du Xinjiang – région où vivent majoritairement les Ouïghours, une minorité musulmane sunnite particulièrement ciblée par Pékin. Erkin Azat a publié la vidéo depuis le Kazakhstan, où il vit désormais exilé. Il explique que ses sources lui ont rapporté que plusieurs personnes qui avaient filmé la destruction ont ensuite été arrêtées. Sur une autre vidéo, des personnes sont à terre, en larmes.
今天 4月11号,共产党暴力强拆甘肃省临夏市折桥噶庄清真寺 pic.twitter.com/Q8fO3xcjdc
— Erkin_Azat (@Erkin_Azat) 11 avril 2019
« Le gouvernement veut exterminer les gens dont l’apparence et l’identité sont différentes »
Selon mon contact, les démolitions dans la province du Gansu ont commencé l’an dernier. Des mosquées sont détruites, dans d’autres on abat les minarets, détruit les dômes et les inscriptions en arabe. Il est difficile de savoir le nombre exact de mosquées ciblées dans la province. Le but du gouvernement est clair : une seule mosquée par ville ou comté, pas plus, juste pour l’image, au cas où des organisations internationales viennent s’enquérir de la situation des musulmans. Toutes les autres mosquées sont en train de disparaître.
Ici, il n’y a eu aucun avertissement, les autorités sont venues et ont détruit la mosquée. On a dit aux habitants que le gouvernement avait décidé que tous les minarets et les dômes devaient être détruits. Des personnes agressées se sont évanouies, d’autres ont refusé de quitter la mosquée et ont été frappées. Et tous ceux qui ont été relayé cette destruction en ligne ont été arrêtés.
Les gens ont peur d’aller à la mosquée, de s’exprimer. Ils ont peur qu’on ouvre une enquête sur eux. La situation dans le Gansu s’est nettement détériorée au cours de la dernière année, c’est comme dans le Xinjiang.
Dans le Xinjiang, un million d’Ouïghours ont été placés en centres de « rééducation », sous prétexte de prévenir le terrorisme, selon les autorités. Mais le Xinjiang n’est pas la seule région prise pour cible : la Chine a lancé une vaste campagne pour contrôler les religions et la vie quotidienne de ses citoyens dans le but d’éliminer toutes les coutumes qui pourraient être perçues comme favorisant les valeurs occidentales ou n’étant pas traditionnellement chinoises. La répression vise donc aussi le Gansu, mais également le Ningxia, deux provinces où vit une part importante des musulmans hui.
Dans la province de Gansu, de nouvelles réglementations ont été mises place le mois dernier pour obliger les institutions et groupes religieux à échapper aux influences étrangères et à se conformer à une « orientation chinoise » de la religion.
La répression ne vise par ailleurs pas que l’islam : les autorités démolissent ainsi régulièrement des églises et ont interdit l’année dernière la vente de la Bible.
« Les autorités s’imaginent qu’elles seront davantage en mesure de contrôler les gens »
Pour Eva Pils, professeure de droit au King’s College de Londres et spécialiste des droits de l’Homme en Chine, ces tactiques témoignent du contrôle croissant exercé par le Parti communiste sur tous les aspects de la société :
« Les autorités font ce qui a été fait auparavant dans le Xinjiang, à savoir contrôler l’islam, car elles le perçoivent comme une influence étrangère. Le parti tente en fait de resserrer le contrôle de la société dans tous les domaines et voit dans certaines communautés religieuses une menace. Il s’agit d’affirmer son pouvoir par la peur.
Dans le Xinjiang, les Ouïghours sont envoyés dans des camps dans le but prétentieux de les éduquer et de les transformer en bons citoyens chinois. C’est inquiétant que cela s’accompagne aussi de ce qui semble être des démolitions assez rapides et arbitraires de mosquées. Cela va en réalité bien au-delà d’une violation systématique de la liberté religieuse : c’est l’identité de tout un groupe qui est attaquée. »
Erkin Azat s’attend de son côté à ce que la répression contre les minorités musulmanes se propage désormais dans tout le pays :
Des centres de détention ont été construits dans le Xinjiang, et je crains qu’il y en ait de nouveaux dans les provinces du Gansu, de Qinghai et de Ningxia.
Le gouvernement veut exterminer les gens dont l’apparence et l’identité sont différentes, comme les Tibétains, les Ouïghours, les Hui, les Kazakhs et les Mongols, car il pense que ces personnes constituent une menace.
Les autorités s’imaginent qu’elles seront davantage en mesure de contrôler les gens et de résoudre les problèmes sociaux du pays si tout le monde devient chinois han. Mais c’est faux.