Plus de vingt civils ont été tués par balles ou à l’arme blanche dans un village du centre du Mali lundi lors d’une attaque imputée aux jihadistes actifs dans la région, un des foyers de la violence au Sahel, ont annoncé des responsables locaux mercredi.
« Au moins 21 civils ont été tués » dans le village de Djiguibombo, à quelques dizaines de kilomètres de Bandiagara, en pays dogon, a dit un responsable du gouvernorat, en attribuant l’attaque à des jihadistes.
Un autre responsable du gouvernorat et un représentant local des jeunes ont parlé d’une vingtaine de morts.
Tous s’exprimaient sous le couvert de l’anonymat pour leur sécurité, ou compte tenu de leurs fonctions et du silence instauré sur de tels évènements sous la junte au pouvoir depuis 2020.
Un nombre incertain de personnes sont portées disparues.
L’attaque, lancée avant la tombée de la nuit, « a duré environ trois heures », a dit le représentant local des jeunes. « Vingt personnes ont été tuées. Plus de la moitié sont des jeunes. Certaines victimes ont été égorgées », a-t-il dit. D’autres ont été tuées par balles, a rapporté dans un communiqué la principale association dogon, Ginna Dogon.
Les assaillants ont pillé des maisons, incendié le centre de santé et des motos, et emporté du bétail et des vivres, a dit Ginna Dogon.
« Beaucoup d’habitants ont fui vers Bandiagara. Ceux qui sont restés n’ont même pas pu enterrer correctement les morts », a déclaré le représentant des jeunes.
L’attaque est « la dernière tragédie de la série noire que traverse le pays dogon depuis plusieurs années avec, au quotidien, des attaques de villages, de paysans au champ, de tueries et d’enlèvements de personnes », s’est émue Ginna Dogon.
La population de la région a « le sentiment d’être abandonnée à son triste sort », a-t-elle dit.
Les exactions attribuées aux groupes armés jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique, aux milices et même aux forces régulières prennent communément beaucoup de temps pour être rapportées ou corroborées dans un contexte sécuritaire dégradé et en l’absence de relais d’information rapide et fiable dans des zones aussi reculées.
Rupture stratégique
Le centre du Mali est l’un des principaux foyers de la violence déclenchée en 2012 par des insurrections indépendantiste et salafiste dans le nord et qui s’est étendue à de vastes zones ainsi qu’aux pays sahéliens voisins, Burkina Faso et Niger.
Les violences ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Les civils en sont les premières victimes, rappellent régulièrement les défenseurs des droits humains qui dénoncent une grande impunité.
Le centre est en proie aux abus jihadistes et aux représailles entre communautés depuis l’installation en 2015 de la Katiba Macina, affiliée à Al-Qaïda et dont l’émergence a ranimé ou avivé les vieilles rivalités locales autour de l’accès aux ressources.
Les groupes islamistes radicaux imposent aux populations des pactes aux termes desquels ils les laissent relativement vaquer à leurs occupations en échange du paiement d’un impôt, de l’acceptation des règles islamiques et de la non-collaboration avec l’armée malienne ou d’autres groupes armés. Les populations risquent des mesures de rétorsion en cas de non-respect.
Les colonels qui ont pris le pouvoir par la force à Bamako en 2020 assurent régulièrement avoir repris l’initiative face aux jihadistes, mais aussi aux indépendantistes dans le nord.
Rompant l’alliance militaire avec la France, la junte s’est rapprochée de la Russie et associée à des éléments qu’elle a présentés comme des instructeurs de l’armée russe mais qui sont, selon une multitude d’experts et d’observateurs, des mercenaires de la société privée russe Wagner ou de ce qu’elle est devenue.
L’impact sécuritaire de cette rupture stratégique malienne sur le terrain est sujet à controverse.
L’association Ginna Dogon a appelé les autorités « à reconsidérer le plan de gestion sécuritaire du centre (du pays) et particulièrement du pays dogon, qui a montré ses limites ».
© Avec l’AFP