Ces chercheurs, mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU, estiment dans ce rapport semestriel, consulté ce lundi 8 juillet 2024 par l’AFP, que les officiers rwandais ont « de facto » pris « le contrôle et la direction des opérations du M23 ».
Le M23 (« Mouvement du 23 mars ») est une rébellion armée congolaise qui prétend défendre les Tutsi en République démocratique du Congo et qui, alliée à des cadres de l’ancien parti au pouvoir à Kinshasa, a déclaré vouloir marcher sur la capitale.
Les experts accusent les autorités rwandaises d’avoir « violé l’intégrité et la souveraineté de la RDC » et les jugent « responsables des actions du M23 » de par le soutien qu’elles apportent à leur « conquête territoriale ».
Depuis fin 2021, le M23 et des troupes de l’armée rwandaise progressent dans la province du Nord-Kivu, où ils ont mis en déroute l’armée congolaise et ses alliés et installé une administration parallèle dans les zones sous leur contrôle.
Jusqu’à fin 2023, les autorités rwandaises démentaient publiquement avoir déployé leur armée aux côtés des rebelles du M23, ce que Kigali n’a plus contesté depuis le début de l’année.
Le président rwandais Paul Kagame a déclaré le 20 juin sur la chaîne de télévision France 24 être « prêt à se battre » contre la RDC s’il le fallait, tout en éludant la question de la présence actuelle des RDF (Rwanda Defence Force, nom de l’armée rwandaise) en RDC.
Depuis plusieurs mois, les Etats-Unis, la France, la Belgique et l’Union européenne demandent au Rwanda de retirer ses militaires et ses missiles sol-air du sol congolais et de cesser son soutien au M23 – demandes restées jusque-là sans effet.
Mineurs enrôlés de force
Les experts détaillent les « incursions systématiques » des militaires rwandais sur le sol congolais, dont un millier seraient arrivés en RDC durant le seul mois de janvier 2024.
Ils estiment qu’au moment de la rédaction de leur rapport (avril 2024), les troupes rwandaises « égalaient voire surpassaient en nombre, les combattants du M23 », estimés à quelque 3.000 hommes.
Ce rapport présente de nombreuses photographies aériennes prises dans les zones sous contrôle du M23 et de l’armée rwandaise.
Elles montrent des colonnes d’hommes armés en uniforme (certains transportant ou opérant des pièces d’artillerie et des armes de gros calibre), des véhicules blindés avec radar et système de missiles antiaériens, des pick-up et des camions de transport de troupes.
Des enfants, « dès l’âge de 12 ans », ont été recrutés « dans presque tous les camps de réfugiés au Rwanda » (80.000 Congolais sont réfugiés au Rwanda, selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU) pour être envoyés dans des camps d’entraînement en zone rebelle, sous la supervision de militaires rwandais et d’hommes du M23, indique également le rapport.
Il précise que « les recrues âgées de 15 ans et plus ont été formées au combat et envoyées sur les lignes de front ». Il ajoute que les recrutements de mineurs au Rwanda sont généralement effectués par des agents du renseignement, « par le biais de fausses promesses d’argent ou d’emploi », et que « ceux qui s’y sont opposés ont été emmenés de force ».
Soutien ougandais
Les experts établissent aussi que durant leurs offensives, le M23 et les RDF « ont spécifiquement ciblé des localités majoritairement habitées par des Hutu, dans des zones connues pour être des bastions des FDLR », les Forces démocratiques de libération du Rwanda, un groupe rebelle rwandais formé par d’anciens hauts reponsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, et réfugiés au Congo depuis.
La présence de ce groupe dans l’est de la RDC est présentée par Kigali comme une menace permanente aux portes du Rwanda.
La communauté internationale, en réclamant l’arrêt du soutien rwandais au M23 et toute intervention étrangère dans l’Est congolais, demande en parallèle à Kinshasa de se distancer des FDLR.
Mais dans leur rapport, les experts de l’ONU disent constater « l’utilisation continue par la RDC de groupes armés, y compris les FDLR », dans sa lutte contre le M23. Ces groupes armés appuyant l’armée congolaise sont regroupés sous l’appellation « wazalendo » (« patriotes » en swahili).
Les experts disent par ailleurs avoir eu confirmation d’un « soutien actif » au M23 de membres des services de renseignements d’Ouganda, pays voisin accusé par Kinshasa de jouer un jeu trouble dans la région, malgré la collaboration des armées congolaise et ougandaise contre un autre groupe rebelle, affilié à l’organisation jihadiste Etat islamique, tout au nord du Nord-Kivu.
© AFP
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